Billets qui ont 'Conrad, Joseph' comme nom propre.

Chauffage

Ah non, je me suis trompée : chauffage rallumé ce matin au petit déjeuner, et non dimanche.

Après-midi de congé (tous les mardis après-midi pour l'allemand). Je rends Conrad à Malraux, je ne prends pas Les veines ouvertes de l'Amérique du Sud car j'ai prévu d'emprunter des Schillebeeckx (à l'ICP) et ça ne tiendra pas dans mon sac (mais je ne les emprunterai pas car j'ai un livre en retard ce que je ne savais pas. Je suis agacée: un retard, c'est autant de jours d'interdiction d'emprunter que de jours de retard. Zut.)

Allemand (à l'IPT), traduction de Schleiermacher. Complet contresens sur les deux phrases que je devais traduire du fait de mon absence la semaine dernière. Les contresens me donnent toujours l'impression de frôler la folie. Un contresens, c'est très effrayant.

J'ai fini Janouch. Je prends sans vraiment y penser, parce que c'est un livre de poche et donc dans l'étagère devant la cuisine, Harry Potter 5 en allemand.

Allemand

Et de nouveau de l'allemand à l'IPT (institut protestant de Paris). Ce blog tourne en rond. En réalité j'aurais dû m'inscrire l'année dernière aussi, mais je pensais que les cours commençaient en janvier (2016) comme l'année précédente: quand je me suis renseignée, j'ai appris que le semestre était fini, les cours avait eu lieu de septembre à décembre (2015).
Ce week-end, saisissant un cahier dans le grenier, je me suis rappelé qu'avant l'IPT il y avait eu les cours de "l'université de la vie".

Cette fois, c'est sans ambiguïté (dans la présentation du professeur, pas dans le descriptif du cours): il ne s'agit pas d'un cours d'allemand mais d'un atelier de traduction. J'ai abandonné l'idée que je parlerai allemand un jour à moins d'aller passer six mois en Allemagne (mais alors j'aurai mes chances, ce qui n'est pas le cas avec l'anglais).

"Flâneries de Schleiermacher à Bonhoeffer" : qui dit mieux ?
J'ai calculé que cela va représenter quinze jours de congé, en posant mes mardis après-midi sur une année.

«Schleiermacher était pasteur réformé, c'est-à-dire d'une Eglise qui se sent minoritaire en Allemagne face aux Luthériens, tandis qu'en France c'est l'inverse, ce sont les réformés qui sont plutôt majoritaires — ce qui fait que Schleiermacher semble parfois plus proche des Luthériens français avec qui il partage ce sentiment d'appartenir à une minorité.»

Je continue The Nigger of the Narcissus. Je suis pétrifiée d'admiration.

Dimanche

Un peu de rangement, engueulade avec A., reprise de l'éternelle dissertation de philo. Cette fois-ci, il faut que je la termine d'ici samedi, sinon je crains que je ne puisse m'inscrire en année supérieure — ce qui serait normal: c'est le laxisme accepté deux années de suite qui ne l'était pas.

J'ai fini Le Pendule de Foucault, et je me souviens que j'ai rêvé de la fin (il y a longtemps, après ma première lecture en 1990), du long appel de la trompette: j'ai rêvé de la terreur de ne pas savoir ce qu'il fallait jouer et j'ai rêvé que je tenais cette note. Ce rêve a traversé les années au point que ce souvenir de rêve a pris la consistance du rêve.

J'ai repris An Outcast on the Islands. J'y trouve cette magnifique description de rivière:
Then, through it, after a time, came to Lingard's ears the voice of the running river: a voice low, discreet, and sad, like the persistent and gentle voices that speak of the past in the silence of dreams.
partie IV, chapitre V

Puis, à travers cela, après un instant, parvint aux oreilles de Lingard la voix de la rivière qui coulait: une voix basse, discrète et triste comme les voix douces et obstinées qui parlent du passé dans le silence des rêves.
Le soir, nous ne sommes que trois. O. est reparti à Paris pour dormir chez un ami afin d'être sur place pour son bac. Galette de seigle maison, un peu épaisse.

Manger du cheval

C'est toujours mieux que de manger de la vache enragée. Unanimement autour de moi personne ne comprend tous ce foin. Tant que la viande n'est pas avariée...

Je songe à ce passage de Souvenirs où l'oncle de Joseph Conrad raconte qu'il a mangé du chien, ce qui me faisait penser à mon grand-père (polonais) qui s'enorgeuillissait d'être capable de reconnaître dans tous les cas de la viande de cheval — pour refuser de la manger.


''Pourquoi les chevaux se sont-ils cachés chez Findus?
— Because they can't find us'' (répondent les chevaux).

Le procès de Charlotte Corday à l'Epée de Bois

Rendez-vous à Vincennes, je sors devant le château, je ne sais plus à l'angle de quel carrefour je dois les retrouver. Heureusement j'ai mon téléphone:
— Prends à l'est.
— Mais il fait nuit, comment veux-tu que je sache où est l'est?

Discussion à bâtons rompus. Pessoa en livre de voiture comme il y a des livres de chevet. De quoi avons-nous parlé dans la voiture, Prague déjà? Je ne crois pas.

Soupe, tarte salée, assiette de fromage, une bouteille pour trois. Le foyer de ce théâtre est très chaleureux, lambrissé, j'ai un coup de cœur pour cette pièce.

Nous parlons lectures. Aragon et Drieu La Rochelle, lire Gilles en même temps qu'Aurélien, histoire d'une bagarre de rue entre Aragon et ?? Cocteau??, deux folles brune et blonde, et la foule qui se met à parier (dans Gilles).
— Mais Aragon, c'était tout de même un salaud, un sacré menteur.
— J'ai eu la chance de le lire dans l'édition de ses œuvres dans les années 70; il écrivait des préfaces démesurées, c'était complètement fou, quatre cents pages de préface pour une vingtaine de pages comme Le Paysan de Paris.
— Celui que j'aime bien, c'est Breton, il ne s'est jamais compromis.

— Dans les années 70 je voyageais en Ukraine (je n'avais même pas vraiment conscience d'être en Ukraine). J'avais acheté le Monde à Varsovie. Je laisse ma voiture quelques instants, et quand je reviens, un homme me dit: «J'aimerais Le Monde».
— Vous parliez en quelle langue?
— En français, il parlait un français parfait, en Roumanie aussi, d'ailleurs. Je lui fais remarquer qu'il y a des poules sur la nationale et il me répond: «Ici, les poules sont libres.»
— C'est génial! Je me souviens quand j'ai pris le transsibérien de m'être arrêté dans un hôtel paumé de Bouriatie, et la femme qui le tenait parlait un français parfait. Nous avons raté beaucoup d'occasions il y a une dizaine d'années; c'est comme au Vietnam…
— Oui, nous étions aimés… Nous n'avons pas été à la hauteur de l'amour qu'on nous portait.

Se joue à l'Epée de Bois Cyrano de Bergerac.
— Un de nos désaccords.
Je suis surprise. Je ne m'en souvenais pas. Cyrano ne serait pas une grande œuvre? Mais quelle importance? Les trois mousquetaires non plus, et pourtant je défendrai toujours d'Artagnan. D'Artagnan ou Cyrano donnent une ardeur que ne donne pas Mallarmé, c'est important aussi. «— Et c'est? — Mon panache.»

Biographie de Casement par Vargas Llosa (Le rêve du Celte). Voyage d'étude, enquête, comment dire sans être anachronique, au Congo belge. Horreur, "le musée des mains coupées" à Bruxelles, on estime à dix millions les morts congolais («ce qui est beaucoup avec les moyens de l'époque»); c'est suite au rapport de Casement, indépendant, non-belge, que le Congo cessa d'être la propriété personnelle du roi.
— Il connaissait très bien Conrad. Sa fin fut dramatique. Il est parti en Allemagne au début de la [première] guerre mondiale et a été débarqué sur le sol irlandais juste avant le soulèvement de Pâques. Les Anglais ont fait un massacre et Casement a été condamné à mort. Conrad et Shaw ont refusé de signer la pétiton qui demandait sa grâce.

Pièce de Benoît, Le procès de Charlotte Corday. Plus tragique, plus violente, moins psychologique, moins nuancée que dans sa première mouture de 2009.

Encore un verre dans une brasserie de Vincennes. Le temps passe trop vite, beaucoup trop vite. Les serveurs commencent à ranger vers minuit, nous plaisantons avec eux, «on travaille demain» nous disent-ils. Je ne réponds pas que moi aussi, et plus tôt qu'eux.

Evocation

Chaque fois que je me souviens des Souvenirs de Conrad, il me semble revoir mon grand-père. L'humour anglais ajouté au mutisme polonais, cela devait être quelque chose. (L'idée a quelque chose d'irreprésentable).

Matin

7h07, RER plutôt plein, je m'assois à côté d'un jeune homme au look années 70 version propre, cascade de cheveux bouclés, coll roulé, et l'air très, très jeune. Il lit une partition, un second coup d'œil m'apprend qu'il s'agit de Chabrier.
J'ouvre mon livre, mon voisin murmure je ne sais quoi, ni le nom des notes, ni l'air, on dirait qu'il lit des phrases, mais lesquelles?

Plus tard il prend son téléphone. Il est tôt, le wagon est silencieux, engourdi, il fait plutôt chaud, on ne serait pas si mal si on ne regrettait son lit. Mon voisin parle à voix basse, mais c'est mon voisin, je l'entends, il est gentil, il me fait de la peine :

— Allo, tu es réveillée ?
— ...
— Tu as bien dormi?
— ...
— Ah d'accord, tu n'as pas vu que je t'avais envoyé un texto.
— ...
— Mais pour rien...
— ...
— Mais parce que je t'ai envoyé un texto et que tu n'as pas répondu...
— ...
— Châtelet, Gare du Nord...
— ...
— Mais il n'y a rien à gare du Nord, c'est là que je descends...
— ...
— Bon, je sens que ça ne va pas...
— ...
— Non, non, c'est pas grave, je raccroche. Je t'embrasse, à tout à l'heure.

Pauvre voisin.
Je ne réponds rien aux gens qui me reprochent de "ne jamais appeler". Généralement j'ai déjà senti une ou deux fois que je les avais dérangés alors que je téléphonais pour rien, juste parce que j'avais envie de leur parler. Cela suffit.
Je hais le téléphone.



Au café, donc. MTVidol, je découvre les clips de trente ans de chansons. C'est bien, je n'en connais aucun.
La Isla Bonita de Madonna: elle imagine vraiment que les danseuse de flamenco dansent comme cela? J'aurais imaginé Madonna plus professionnelle, mais elle était encore jolie, à l'époque.
Let's Dance d'un Bowie outrageusement blond, Boney M et son chanteur en pantalon comique à force d'être indécent, Jean-Jacques Goldman et Pas toi. Dommage que les dates des chansons ou des enregistrements ne soient pas indiquées.

Toto et Africa. Un podium en forme de livre. Un globe. Une carte. Des livres reliés dans des bibliothèques. La jungle, un peu, pas beaucoup, en arrière-fond.
Et une secrétaire, toujours, en médaillon, entre le chanteur et je ne sais quoi, sa guitare, un meuble? Ce clip fait surgir mes souvenirs d'Au cœur des ténèbres, car ce qui m'a marquée dans ce livre, c'est moins le voyage en bateau, le fleuve, la fièvre, Kurtz, que l'étrange Parque du bureau de Londres, la tricoteuse de laine noire.

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